Par Thierry Quéré
Dans le labyrinthe, on ne se perd pas.
Dans le labyrinthe, on se retrouve.
Dans le labyrinthe, on ne rencontre pas le Minotaure.
Dans le labyrinthe, on se rencontre soi-même.
Hermann Kern
Me voilà, debout devant l’entrée d’un labyrinthe qui m’appelle, m’attire irrésistiblement. Une force mystérieuse semble m’inviter à m’y aventurer, comme une mélodie silencieuse qui résonne en moi, me tirant vers son cœur. Mais que vais-je y trouver ? S’agit-il vraiment de la quête intérieure que j’ai tant recherchée, un lieu où tout se tait enfin, ou un piège où je me confronterai à mes propres peurs ?
Je me revois enfant lançant des pierres dans l’eau calme d’un lac. Fasciné que j’étais par le plouf que j’entendais avant la disparition de la pierre que je tenais seulement quelques secondes plus tôt dans ma petite main. Si chaude et présente et maintenant en route vers des profondeurs inexplorées. Et puis ces ronds dans l’eau qui se forment et cette vague qui les parcoure et les dépasse pour rejoindre le lac.
Un labyrinthe n’est-il pas lui aussi composé de cercles concentriques? Sa symbolique et son énergie sont très fortes. Je pense à mon centre, à mon corps et à ses auras autour. Est-ce que mes anges gardiens ne me voient pas comme ça depuis leur hauteur? Comme un plouf dans l’eau de la Vie?
Ce centre au milieu me fascine autant qu’il m’intimide. Je ne sais pas si c’est un espace de paix ou un terrain de confrontation avec moi-même, mais quelque chose en moi ressent ce besoin d’y aller, comme si c’était le seul chemin pour me retrouver. Peut-être qu’au bout de ces détours et de ces impasses, il existe un point d’équilibre où mes pensées se calmeront, où tout ce que je porte en moi trouvera enfin un sens.
Mais une part de moi doute. Que se passera-t-il si ce centre n’est pas la destination sereine que j’imagine ? Si au contraire, c’est un piège qui révèle mes faiblesses et mes désirs les plus enfouis ? Dans le silence du labyrinthe, je pourrais me retrouver face à moi-même, obligé de voir mes propres incertitudes, mes propres ombres. Cette possibilité m’effraie, mais elle m’attire aussi, comme un secret interdit que je ne peux m’empêcher de vouloir percer.
Je pense au Minotaure, cette figure mythique qui attendait autrefois dans les profondeurs d’un labyrinthe antique, symbole de tous les sacrifices et de l’acceptation des côtés sombres de l’âme humaine. Peut-être que, moi aussi, je dois faire face à quelque chose de caché en moi, une part de moi-même que j’ai toujours évitée. Je sais qu’au centre, il n’y aura plus de détour possible ; je devrai affronter ce qui m’attend, même si c’est l’image brute et honnête de mon propre reflet.
Malgré la crainte, l’envie d’avancer est plus forte. Ce centre, ce point unique où toutes les directions se rejoignent, est bien plus qu’une simple destination. C’est un appel profond à la transformation. Là-bas, je pressens qu’il y aura un moment de vérité, qu’il s’agisse d’une paix inespérée, d’une part cachée de moi-même qui se révèle, ou d’une réponse que je n’imaginais pas. Ce qui m’attend au centre du labyrinthe, je l’ignore encore, mais je sens que cette expérience marquera le début d’un cheminement nouveau, peut-être même d’une renaissance intérieure.
Alors je marche et j’avance. Ce parcours exige une grande présence en moi. Je me concentre tellement sur le chemin que je ne vois plus le monde autour de moi. Je perds complètement de vue ce qui m’entoure. Je pose mes pas avec précaution. Dans le labyrinthe s’ouvre un long chemin aux multiples méandres, et il est étroit. Pour ne pas le perdre, je marche tranquillement. Pas à pas, je me recueille dans ce calme. Dans l’espace qui se crée, s’élève ce qui m’habite durablement, qui me préoccupe : J’écoute mon âme. Lorsque je parviens au centre, je suis arrivé à l’endroit où je peux vraiment dire JE. Ce que je suis, je l’ai apporté avec moi. Je lève les yeux et je vois au dessus de moi, la coupole au croisement du transept et de la nef. L’endroit où se trouve l’axe du monde: l’Axis Mundi. En s’alignant sur cet axe on peut atteindre une harmonie profonde avec soi même, les autres et avec la création.
Le labyrinthe a deux chemins, celui qui entre au centre et celui qui en sort. Thésée n’a pas eu besoin d’aide pour trouver le Minotaure au milieu, mais il avait besoin du fil d’Ariane pour trouver le chemin de la sortie. Il est plus facile de partir pour une quête que de partir vers l’amour. Le chemin vers l’intérieur est un chemin fort, un chemin passionnant vers un but.
Le chemin de sortie est un chemin silencieux, un chemin humble. On le connaît déjà, et pourtant il est long. La sortie est le chemin de la maison. L’aventure est terminée, la connaissance est acquise. Mais c’est maintenant que le plus important arrive. Celui qui sort du labyrinthe en courant, qui franchit tous les obstacles et pense que le centre est atteint et que tout est terminé, a manqué la partie la plus importante. Car la voie de sortie mène à l’humilité et à l’amour. Pour pouvoir sortir, il est nécessaire de faire un demi-tour sur soi-même. Au sens propre et au sens figuré, c’est un retournement.