Le dragon, le gardien du seuil

Pèlerin, approche ! C’est moi, le dragon, et je crache mon feu pour te réveiller de ta torpeur ! Tu te promènes, la tête ailleurs, dans cette église, mais sais-tu ce que je représente ? Si tu veux être le héros de ta propre vie, tu devras me maîtriser, dompter ta matérialité et dépasser ce qui te retient à la terre.

Dans toutes les traditions, je suis là, gardien d’un trésor caché. Je symbolise ce que tu dois affronter pour progresser dans ta quête intérieure. Dans l’art roman, je marque les points d’entrée des courants telluriques, ces énergies qui montent de la terre. Voilà pourquoi tu vois souvent des statues de Saint-Michel à ces endroits : il me terrasse pour en devenir le maître. Si tu veux avancer, tu dois, toi aussi, maîtriser ces forces, les aligner avec le cosmos.

Tu penses peut-être que c’est simple ? Saches que dans la tradition chinoise, il est interdit de bâtir sa maison sur mon dos. Je représente les montagnes et je guide le Chi de la terre. Je suis un gardien bienveillant, mais si tu me déranges, je me retournerai contre toi. Ce combat, celui de Saint-Georges et de Saint-Michel, n’est rien d’autre que l’apprentissage de la maîtrise des forces terrestres. Tu ne peux pas atteindre le ciel sans avoir d’abord dominé la matière. C’est en maîtrisant la terre que tu t’élèveras vers les cieux.

Ne crois pas que c’est une simple lutte entre le bien et le mal. Non, c’est bien plus profond : c’est l’harmonie entre l’esprit et la matière, l’esprit qui féconde la matière. Regarde autour de toi, dans cette église. Où suis-je représenté ? Toujours à l’entrée ou à la sortie, dans la partie basse, où je montre toute ma majesté. Je suis la force brute de la terre. Mais regarde plus haut, là où les saints m’ont vaincu : je suis sublimé, transformé en force spirituelle.

Je représente le premier obstacle que le héros doit surmonter au début de sa quête et le dernier qu’il doit maîtriser pour atteindre la sagesse, la princesse puis acquérir le trésor, la lumière, ou réaliser son salut. Es-tu prêt à te mesurer à moi petit pèlerin? Es-tu partant pour relever le défi ? Si tu veux avancer, tu sais maintenant ce qu’il te reste à faire.