Trouver un praticien 
Par Thierry Quéré
Arrêté devant ma silhouette immortalisée sur ce chapiteau, tu me regardes avec curiosité, pèlerin, et je sens en toi une question muette. Qui suis-je ? Pourquoi suis-je là, figée dans la pierre, et pourtant si vivante dans ton imaginaire ? Écoute alors mon histoire, car elle traverse les âges, les légendes et les vérités cachées des cœurs humains. Cette histoire, si tu l’écoutes bien, te parlera de toi.
Je suis la licorne, une créature née dans les rêves de l’humanité. Depuis les premiers récits murmurés autour des feux primitifs, ma corne d’ivoire étincelante a représenté la pureté, la guérison et le mystère. Mon image a évolué dans votre imaginaire. Au début, j’avais un corps de cheval, une tête de cerf avec une barbe de chèvre et je portais au milieu du front une corne droite spiralée.
Dans votre monde moderne, je suis plutôt représentée avec un corps de cheval blanc immaculé.
Dans les temps anciens, on disait que je vivais libre dans les forêts denses et inaccessibles, fuyant les regards des hommes, car seuls les cœurs sincères pouvaient espérer m’approcher. Ces récits affirmaient que je ne me laissais apercevoir que par un cœur pur, celui qui incarnait une innocence à laquelle le monde aspire, mais qu’il ne sait préserver.
Tu connais peut-être l’histoire de mes frères et sœurs disparus, comme elle est contée dans le livre des hommes « The Last Unicorn ». Oui, c’est moi qui suis devant toi, la dernière licorne. J’ai appris un jour que mes semblables avaient disparu, emportés par les vagues dans un exil imposé par un tyran avide. Alors, j’ai quitté mon bois sacré et suis partie à leur recherche. Je suis arrivé dans ton monde, celui des humains. Mon voyage fut long et semé d’épreuves. J’ai traversé des terres corrompues par la peur et l’ambition, rencontré des cœurs brisés et des âmes perdues. J’ai découvert la complexité des êtres humains, leurs désirs, leur fragilité et leur force.
Et pourtant, pèlerin, sache que mon histoire n’est pas seulement le conte d’un héros solitaire qui cherche à sauver les siens. C’est aussi celle de la transformation. J’ai connu l’amour, la douleur et la mortalité à travers vous. En m’aventurant dans le monde des hommes, j’ai découvert des facettes de moi-même que je ne soupçonnais pas. J’ai été une créature de magie, mais j’ai également appris à être une créature de chair et de sentiments.
Mon histoire est inscrite dans chaque époque. Dans l’Antiquité, on murmurait déjà mon nom. Les Grecs me voyaient comme un symbole de force et de grâce. Au Moyen Âge, les fresques et les tapisseries m’ont enfermée dans des jardins clos, transformant mon image en une quête spirituelle pour la pureté divine. On a même dit que ma corne avait le pouvoir de purifier les eaux empoisonnées et d’offrir une guérison miraculeuse. Mais, hélas, ces récits ont alimenté la cupidité, et des hommes ont chassé mon image jusqu’à la pervertir, la réduisant à un trophée d’ivoire ou à une légende inaccessible.
Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, je vis de nouveau dans le regard des enfants, dans leurs rêves où je cours libre sous des cieux étoilés. Dans ton monde moderne, certains m’ont réduite à une icône de fantaisie, une figure colorée et douce, éloignée de ma véritable essence. Dans le milieu de l’entreprise, je représente aujourd’hui une startup à forte croissance, qui est valorisée à plus d’un milliard de dollars. Allez savoir pourquoi…
Mais je ne m’en offusque pas, car même sous cette forme, je rappelle aux hommes l’importance de croire en quelque chose de pur, d’impossible, et pourtant si essentiel.
Alors, pèlerin, devant ma représentation sur ce pilier de pierre, que vois-tu ? Mon histoire est peut-être celle de tes propres quêtes, de tes pertes et de tes renaissances. Je suis la mémoire de ce que l’humanité chérit en secret : l’espoir, l’innocence, et la promesse qu’au cœur du labyrinthe de la vie, quelque chose de beau et de vrai peut encore exister. Et toi, oseras-tu partir à la recherche de ce qui semble perdu ? Peut-être, comme moi, apprendras-tu que la quête importe plus que la destination, et que la transformation est le véritable trésor au bout du chemin.
La licorne est souvent représentée frappée par la lance d’un chasseur ou lors de la rencontre heureuse avec la dame. L’animal et la vierge évoquent un binôme constant et inséparable. Ils sont en effet la double facette d’une symbolique unique où la polarité masculine, sauvage et active (la licorne) trouve son complément grâce à la présence de sa contrepartie féminine, terrestre et paisible (la vierge). Ces deux éléments – rappellent la combinaison fluide qui existe entre le yang et le yin – s’attirent de manière réciproque et s’accordent harmonieusement, créant ainsi une véritable unité dynamique.
