Par Thierry Quéré

Basilique Sainte Anastasie vue de la tour Lamberti
Plan en coupe

Église gothique dominicaine construite entre 1280 et 1400. La Basilique tire son nom d’un temple préexistant, bâti par Théodoric le Grand au Ve siècle sur des fondations anciennes. Cela confirme le caractère très ancien du site. À l’époque romaine, c’est ici que s’achevait la Via Postumia, l’une des grandes voies militaires d’Italie, reliant Gênes à Vérone.

Il y avait dans l’air ce matin-là une douceur particulière, ce calme qui précède les moments marquants. Sous un ciel azur, je déambulais dans les ruelles étroites de Vérone, le long de l’Adige, dont le cours apaisé semblait porter avec lui les murmures de la ville. Le brouhaha léger des terrasses animées, le parfum sucré des gelati, tout cela se fondait dans une harmonie parfaite, presque irréelle, tandis que je m’approchais de la Basilique Sainte-Anastasie, construite entre 1280 et 1400. Cet endroit vibre en spirituel selon les critères de l’échelle de Bovis réactualisée.

Sa façade, simple, presque austère, n’annonçait en rien la grandeur qui se cachait derrière. Ce mélange de brique et de tuf, usé par le temps, donnait l’impression d’un rêve inachevé, celui d’une bâtisse qui n’aurait jamais vu le marbre blanc promis. Cette pensée me serra un peu le cœur, comme si la basilique elle-même portait le poids d’un espoir brisé. Pourtant, en franchissant ses portes massives, une autre réalité m’attendait.

Dès l’entrée, un bénitier soutenu par un bossu, appelé à Vérone « le bossu de Sainte Anastasie », m’accueillit. Cette figure, dès le Moyen Âge, a suscité des réactions superstitieuses, et aujourd’hui encore, sa bosse est souvent touchée par les visiteurs. Vous devinez pourquoi ? En effet, elle semble porter chance.
En m’approchant de lui, une énergie singulière m’envahit. C’était comme si l’air lui-même vibrait autour de moi, chargé d’une force invisible mais palpable. Je repérais un vortex d’énergie lévogyre, tournant vers la gauche, à cet endroit. Associé à l’énergie de la terre, il est tellurique et féminin. Ces vortex se trouvent souvent sur des sites sacrés très anciens dédiés à la guérison. Toucher la bosse porterait bonheur, paraît-il ! Et vu l’énergie qui se dégageait à cet endroit, le pèlerin est bien avisé de toucher l’eau dynamisée. L’eau du bénitier semblait presque vivante, pulsant d’une vitalité ancienne, et je sentis un frisson parcourir ma peau.

Le bossu de Sainte Anastasie par Gabriele Caliari
Pavement d’origine, 1444 – Blanc et noir pour la couleur de l’habit des Dominicains, rouge pour le sang versé

Tout autour, la lumière qui filtrait à travers les vitraux jouait sur les murs, créant une atmosphère quasi surnaturelle. Sous mes pieds, je marchais sur des pavés vieux de plusieurs siècles, aux couleurs noir, blanc et rouge. Ces teintes, m’a-t-on expliqué, symbolisaient l’ordre des Dominicains et le sang versé par Saint Pierre de Vérone. Fouler ce sol me donnait une impression solennelle, comme si chaque pas me rapprochait un peu plus des siècles passés, des vies qui avaient traversé ce même chemin. Bien que la Basilique soit consacrée à Saint Pierre de Vérone, les Véronais lui préfèrent Anastasie, vénérée depuis des siècles par le petit peuple. C’est ainsi que, malgré sa nouvelle consécration, elle a conservé son nom.

Sans crier gare, une présence se fit sentir près de moi. Pas un souffle, pas un bruit, mais une force douce et bienveillante qui me fit lever les yeux. Elle était là, invisible et pourtant si proche, si réelle. J’étais bouleversé. Cette sensation inexplicable m’envahit complètement. Elle n’était pas une figure de légende, mais une présence tangible, presque familière. Il y avait quelque chose d’apaisant, mais aussi de terriblement joyeux dans son essence. Ses paroles, que j’entendais intérieurement, résonnaient en moi, pleines de douceur et de tendresse, et je ne pouvais m’empêcher d’être ému par les images qu’elle m’envoyait. Malgré cette rencontre spirituelle, je ne trouvai aucune trace d’elle dans la basilique : aucune statue, aucune représentation. Cela me laissait perplexe. Comment un lieu portant son nom pouvait-il être si dépourvu de son image ? Pourtant, je savais qu’elle était là, invisible aux yeux, mais présente pour ceux qui la cherchaient avec le cœur.

La nef
Le plafond

Avant de partir, je me retournai une dernière fois vers les bénitiers. Le bossu de pierre, toujours fidèle à sa tâche, semblait veiller sur moi, sur nous tous, comme un gardien intemporel. En posant ma main sur le bénitier, je ressentis à nouveau cette connexion profonde avec l’énergie du lieu. Cette basilique, bien plus qu’un simple édifice religieux, était un carrefour de forces, un point de rencontre entre le visible et l’invisible, le passé et le présent.
En sortant, je ne pouvais m’empêcher de penser que j’avais laissé une partie de moi dans cet endroit, mais que j’en repartais avec quelque chose de précieux, d’inestimable. Dans ce lieu hors du temps, Sainte Anastasie et moi avions partagé un moment, une rencontre qui, je le savais, resterait gravée en moi pour toujours.

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